Projet de couverture pour ‘Le sculpteur de masques’ de Fernand Crommelynck

Le dramaturge, Fernand Crommelynck, a fait appel à Léon Spilliaert pour illustrer l’intrigue de sa pièce ‘Le Sculpteur de Masques’. Réalisé en 1907, ce projet de couverture est une première version du projet éponyme conservé au Musée d’Ixelles. Cette illustration est importante à bien des égards. En effet, elle date de la plus belle période de Spilliaert et démontre sa virtuosité. Elle constitue également un témoignage unique de la collaboration entre artistes, écrivains et le monde culturel belge à cette époque. Grâce à l’action du Fonds Marie-Jeanne Dauchy, l’œuvre est confiée par la Fondation Roi Baudouin au Cabinet des Estampes de la Bibliothèque Royale de Belgique.

Une œuvre typique en couverture

Léon Spilliaert a réalisé, en 1907, ce projet de couverture en interprétant directement le titre de l’ouvrage de Fernand Crommelynck. L’œuvre exécutée sur papier à l’encre de Chine, aux crayons de couleurs et à la mine de plomb montre une silhouette esquissée d’un homme attablé à un comptoir, la tête entre les mains. Derrière lui, se dresse sur quatre rangées, un étal de masques ou de visages aux expressions diverses. Une porte entrouverte perce cet étal en son centre et prolonge la perspective fuyante du comptoir. En bas à droite, Spilliaert signe des lettres LSp. Un lettrage stylisé a été aussi utilisé par l’artiste pour mentionner l’auteur, le titre et l’éditeur de l’ouvrage. Ce lettrage, combiné à l’architecture de la scène peinte de façon quasi monochrome, renforce une atmosphère expressionniste et tourmentée, typique de l’œuvre du peintre belge en ce début du XXe siècle.

Léon Spilliaert et la littérature

Dessinateur et peintre né à Ostende en 1881, Léon Spilliaert réalise, dès le début du 20e siècle, des œuvres qui présentent une symbiose entre le symbolisme de la fin du 19e siècle et une certaine modernité expressionniste. Très proche du poète Emile Verhaeren, un père spirituel dont il fait la connaissance via l’éditeur Léon Deman, le jeune Spilliaert est fasciné par la littérature classique et de son temps. Il fut déjà sollicité en 1902 par l’éditeur pour illustrer les trois volumes de ‘Théâtre’ de Maurice Maeterlinck (acquis également par la Fondation Roi Baudouin via le Fonds Eliane Vercaempt en 2022). L’année 1907 est une année artistiquement prolifique : l’artiste réalise notamment des vues de digues et de plages où on retrouve cette perspective étirée telle que dans la composition du ‘Sculpteur de Masques’ pour Fernand Crommelynck.

Crommelynck aux multiples facettes

Fernand Crommelynck est né à Paris en 1886. Cette personnalité importante de la littérature d’expression française est polymorphe : dramaturge et romancier mais aussi acteur, journaliste, metteur en scène et scénariste. Il vit entre Paris et Bruxelles, une ville qu’il affectionne particulièrement de même que ses séjours réguliers à Ostende. Pour l’anecdote, Emile Verhaeren signera la préface complimentant la première version du ‘Sculpteur de Masques’ en 1906 ! Cette œuvre littéraire est caractéristique du théâtre de Crommelynck : un théâtre d’action, de suspens intense et de mise en abyme psychologique des personnages. Cet univers ne pouvait qu’inspirer Léon Spilliaert. Un second projet d’illustration de couverture fut proposé par ce dernier. Il ne fut cependant pas retenu par le dramaturge et l’éditeur mais est conservé au Musée d’Ixelles de Bruxelles. L’homme attablé y a été remplacé par deux silhouettes enlacées vue de dos.

L’action du Fonds Marie-Jeanne Dauchy

Le Fonds Marie-Jeanne Dauchy est dédié à la sauvegarde, la conservation, la protection, la restauration et la mise en valeur du patrimoine culturel bruxellois. Via son action, ce projet de couverture a pu être acquis en vue de sa conservation au Cabinet des Estampes de la Bibliothèque Royale de Belgique situé au Mont des Arts à Bruxelles.