L’Ombre du Corbeau est le premier vrai grand récit de Didier Comès, auteur majeur de bande dessinée de la deuxième partie du XXème siècle. D’abord publiée en 1976 dans l’hebdomadaire Tintin, la bande dessinée a été éditée sous forme d’album en 1981 aux éditions Le Lombard. Le frère et les deux sœurs du dessinateur belge ont fait don des planches originales à la Fondation Roi Baudouin en 2013, afin de préserver son œuvre de la dispersion.
L’Ombre du Corbeau raconte l’errance d’un soldat allemand, Goetz von Berlichingen, durant la Première Guerre mondiale. Rescapé d’un bombardement, celui-ci se retrouve séparé de son unité et découvre un monde parallèle, dans lequel il est recueilli par d’étranges personnages. Le soldat se rend bientôt compte que ses hôtes incarnent différentes facettes de la mort et que ce monde parallèle influe sur le monde réel. Didier Comès amorce dans ce récit une transition stylistique. Il présente de nombreuses innovations graphiques, dont certaines vont le suivre tout au long de son œuvre. On notera par exemple une quasi-totale absence de phylactères. Cette absence de sons ou de mots se retrouve dans la suite de son œuvre. Dessinée pour être mise en couleur, la bande dessinée en noir et blanc présente peu de hachures et d’aplats noirs à l’encre de Chine. Le dessin semble ainsi presque vide.
Dans ce récit, Didier Comès aborde le sens de la vie et de la mort. Celle-ci est symbolisée entre autres par le nombre très réduit de dialogues ou d’onomatopées. Il évoque également l’absurdité des conflits armés. L’Ombre du Corbeau marque aussi un tournant dans les thématiques abordées par l’auteur. Il délaisse l’univers de science-fiction d’Ergün L’Errant pour aller vers un univers fantastique. Apparaissent également déjà dans ce livre, certains éléments tels les corbeaux et les forêts d’Ardenne présents tout au long de son œuvre.
La publication, dont le but initial était d’élargir le lectorat de l’hebdomadaire Tintin, ne rencontre pas le succès espéré et le journal demande donc à Didier Comès de revenir vers un style plus conventionnel. Celui-ci refuse et abandonne la bande dessinée pour quelques années, jusqu’à l’écriture de Silence, son plus grand succès, publié en 1979.